#6 Communication et liberté au travail
Inclusivement Vôtre – Florence Belzak
Pour écouter l’épisode 6
Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.
Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.
Bonne lecture.
Transcript Episode #6
Introduction
Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !
Inclusivement vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.
Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.
Bonne écoute !
Présentation de l’épisode
Dans les deux premières parties de notre échange avec Florence, nous avons poursuivi une réflexion autour de l’écologie du travail, au sens écologie des rapports humains.
Dans cette dernière partie, nous réfléchissons aux pistes à poursuivre en termes de communication et liberté pour progresser au niveau individuel.
Contenu de l’épisode
Apprendre à se connaitre
Laura : Une erreur que tu ne referas plus jamais.
Florence : Je trouve que cette question, elle est dure parce que des fois tu sais que tu vas faire une erreur, mais parfois, t’es un peu contraint d’y aller, notamment je pense à l’univers du travail. Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler pour une entreprise où tout va bien. Parfois, tu peux pas avoir le choix. Tu sais que ce n’est pas bon, que ça ne va pas, mais il faut y aller après. Peut-être que ce que je ne referais vraiment plus, c’est trop se taire devant le manque de respect ou accepter ça. Avec le temps, je commence à pouvoir me rebeller un peu plus.
Laura : C’est cool ça. Un conseil que tu te donnerais en début de carrière ?
Florence : (rires) Le premier, ce serait d’écouter le conseil que mon premier manager m’a donné. C’est de me dire que j’ai besoin d’avoir un job concret. Quand je suis partie vers le conseil, il m’a dit : “Je pense que ce n’est pas bon pour toi parce que ça va être trop abstrait et je pense que tu devrais chercher un autre type de fonction”. Moi, j’avais été imprégnée par le fait que pour réussir, il faut en baver, donc autant aller bien contre soi pour réussir et pour être fière de ce qu’on fait. Je suis allée dans le conseil. J’aurais dû prendre une autre voie. Ça m’a amenée où je suis aujourd’hui malgré tout.
Laura : Au final t’as su retrouver le chemin. C’est vrai que c’est bien d’apprendre à s’écouter, c’est important.
Florence : Quelque chose qu’on ne nous pousse pas assez à faire dès le début, c’est comprendre ce qui nous anime vraiment et ce qui compte vraiment pour nous, même si c’est compliqué, je trouve, arrivée à un certain niveau de prendre un travail uniquement en mode alimentaire. Quand ça n’allait vraiment pas, je me disais “Bon, finalement, je vais peut-être juste essayer de changer d’environnement, ça me sécurisa financièrement”. Quand on est cadre, c’est très compliqué d’aller sur un job où tu vas juste dire “je vais gagner de l’argent”. Faut que tu sois un peu motivé dedans et tu ne passes pas les entretiens. Tu as juste envie ,de dire “Mais en fait je m’en fiche, je sais faire le job et filez-le moi pour que je sois tranquille”et tu vois que ça ne marche pas. Ce qui m’a vraiment débloquée, et c’est ce que j’aurais aimé faire finalement, dès le début, c’est comprendre comment je fonctionne et qu’est ce qui va être bon pour moi, pas bon pour moi et comprendre aussi ce qui compte vraiment pour moi et après agir en fonction de ça.
Laura : En parlant d’agir en fonction de ça, quels sont tes prochains objectifs pour la diversité et l’inclusion chez Juliette ?
Florence : Démystifier le sujet parce que je trouve que c’est un sujet qu’on connaît bien trop mal et qu’on a souvent du mal à s’approprier. Ça serait déjà la première chose que je voudrais faire, c’est de démystifier le sujet. Et puis après, en faire un élément structurant de la manière dont on va construire les RH. Nous, on est une jeune entreprise, on a un peu plus d’un an. Donc c’est vrai qu’il y a quand même pas mal de choses qui ne sont pas encore complètement installées ; on est quinze. J’aimerais bien que ce soit un sujet structurant chez nous. J’ai envie de contribuer à ce que ce le soit.
Laura : En général pour toi, quel est le plus gros challenge dans le développement d’une culture d’entreprise qui soit saine et inclusive ?
Florence : Le premier gros challenge c’est que le monde de l’entreprise soit capable d’accepter les gens en entier et pas juste les regarder au travers de leurs diplômes. Comprendre que tout ne se limite pas à ça, qu’on sait faire énormément de choses, qu’on apprend énormément de choses à côté. Faire que tout le monde ait envie d’être lui-même en entreprise. Et à partir de là, on pourra vraiment partager cette culture. Mais tant que ce n’est pas le cas, on dissocie les choses et on perd beaucoup.
Laura : Ma question suivante : quel est le plus gros challenge qui attend les entreprises quand il s’agit de diversité et d’inclusion et par rapport à ta définition de la diversité et l’inclusion que tu nous as donnée au tout début de l’épisode. Pour toi, ça se relie ?
Apprendre à communiquer et à écouter
Florence : Oui, complètement. En fait, quand je regarde tout ce que j’ai vécu comme projets, les projets ont planté pour des raisons humaines, pas pour des raisons techniques, toujours des raisons humaines. La mauvaise compréhension des conflits, des équipes qui n’étaient pas engagées, mais jamais pour des raisons techniques. Je me dis que si on arrivait à avoir plus la capacité à travailler ensemble, à pouvoir se parler, à pouvoir s’accepter, il y aurait quand même beaucoup moins de difficultés. Parce qu’on serait capable de pouvoir les aplanir assez rapidement, parce qu’on saurait être à l’écoute, parce qu’on saurait écouter un point de vue différent, sans se dire c’est bien, c’est mal, et je passe outre. Et donc je pense que les entreprises seraient beaucoup plus performantes.
Laura : Ça revient à beaucoup de communication avec soi-même et avec les autres ?
Florence : Oui, beaucoup d’écoute et d’acceptation et de tolérance, finalement. Le fait de se dire qu’on peut être différent et écouter et regarder, avec curiosité plutôt que comme une attaque perso à chaque fois. De plus en plus, je pense aux Quatre Accords Toltèques. Il y a quelque chose qui m’a bien fait réfléchir dans le fait de se dire : déjà un, ne prends rien personnellement. Je trouve ça hyper important parce qu’en fait je me rends compte de plus en plus que qu’on a tendance à prendre les réactions des autres comme forcément en lien avec toi-même. Du coup, ça peut rapidement devenir personnel alors que si quelqu’un est rêveur ou de mauvaise humeur, c’est peut-être juste parce qu’il a renversé sa tasse de café et que ça l’a énervé, que ça n’a rien à voir avec toi. Et toi du coup, tu vas discuter avec lui et tu vas te dire : « mince j’ai dû l’énerver ou faire quelque chose de mal » alors qu’en fait peut-être pas du tout. D’entrée de jeu, on a quand même une grosse habitude à prendre les choses pour soi-même et ça c’est assez en lien avec le fait qu’on fait pas mal de suppositions. On n’ose pas poser des questions. On va supposer que la personne réagit de telle manière pour ci ou pour ça. Je trouve que c’est important d’apprendre à mieux communiquer, avoir un regard plus bienveillant, décentrer un peu les choses et dire la réaction de la personne finalement elle n’appartient qu’à elle. Et à moi d’aller l’interroger pour savoir si je suis en lien ou pas et pas tout rapidement mettre, je dirais, en disant : “c’est forcément parce que moi j’ai fait un truc de mal ou c’est forcément parce que ceci”, ne pas avoir le courage de poser la question. Ça peut plomber pas mal l’ambiance. C’est des tout petits trucs et pourtant je pense que ça peut vraiment changer la donne.
Laura : C’est un peu l’effet papillon : des petits gestes peuvent avoir de des conséquences importantes, qu’elles soient positives ou négatives. Et parfois il suffit juste de dévier un peu son comportement, de changer un petit élément et ça débloque beaucoup de choses. C’est des petites choses, mais ça montre que c’est atteignable aussi. Au final, s’il suffit de petites choses, des petites choses peuvent entraîner des grands changements, c’est peut-être pas si compliqué que ça à faire. Et dans ce sens-là, est-ce que tu peux nous citer une idée reçue sur la culture d’entreprise ?
Florence : Que c’est finalement accessoire. Je dis ça tout simplement parce qu’aujourd’hui, mis à part maintenant, je n’ai jamais vraiment vu d’entreprises qui prenaient attention. Je pense que c’est plus qu’une idée reçue, d’ailleurs c’est une réalité. Voilà le fait de finalement complètement sous-estimer la force que ça a de pouvoir nourrir cette culture.
Laura : Une idée reçue sur la diversité et l’inclusion ?
Prendre en compte les étiquettes et l’individualité
Florence : Que c’est une question de sexualité uniquement. D’associer la diversité et l’inclusion sur le fait de se dire finalement, c’est juste être sûr que j’intègre bien les LGBTQ, que j’intègre bien différentes nationalités, que ce soit finalement très ciblé comme problématique. Alors qu’en fait le sujet, c’est juste que tout le monde puisse être accepté tel qu’il est. Après tout le reste est accessoire. Après ce n’est pas comme la pub de MacDo “viens comme tu es” mais pas loin. On est juste un humain et après on est tous façonnés de différentes manières et tout le reste, on s’en fout. La manière dont on parle de la diversité et de l’inclusion peut donner l’impression qu’on va poser encore plus d’étiquettes et que c’est compliqué alors qu’en fait c’est juste hyper simple. C’est juste arrêter de se focaliser sur des points de détail et accepter les autres finalement et accepter la différence.
Laura : Oui, c’est une approche globale comment on retravaille sur nos relations les uns, les unes avec les autres. C’est important de prendre en compte ces différentes étiquettes puisque ça permet d’avoir une grille de lecture, donc de s’assurer qu’on inclut bien tout le monde et qu’il n’y pas nos biais qui jouent justement dans nos rapports avec les autres. Mais après dans nos interactions individuelles de vraiment prendre les gens en compte dans leur humanité. Cet été, je lisais un article que j’ai trouvé super intéressant qui était un article écrit à quatre mains entre deux amies états-uniennes, une femme blanche et une femme noire qui expliquaient justement leur rapport autour du racisme. À un moment, c’était l’amie qui était noire, qui expliquait : “oublie que je suis noire mais n’oublie jamais que je suis noire”. Dit comme ça, ça parait super contradictoire, mais en fait c’est l’idée de : “vois moi dans mon humanité mais n’oublie jamais que mon expérience est façonnée par le fait que je suis noire.” Je pense que c’est une phrase qui fonctionne pour tous les types de discriminations, de caractéristiques. Qu’on soit femme, qu’on soit LGBTQIA+, qu’on soit handicapé’e, qu’on soit racisé’e. En fait c’est vraiment de “accepte moi en me prenant en compte dans toute mon humanité, mais n’oublie jamais que mon vécu est différent du tien parce que ça a été façonné par telle ou telle situation”. Je trouve ça regroupe pas mal ce que tu dis de pas se concentrer seulement sur certains sujets, mais vraiment de repenser de façon globale comment on travaille avec les autres, comment on interagit avec les autres. Se poser vraiment dans une démarche de remise en question, de checker ses biais etc, parce que parfois, c’est des types de personnalité qui nous dérangent mais en fait si on travaille sur ça, on va se rendre compte que la personne ne dérange pas, ça en dit plus sur nous que sur elle. Il y a toute cette démarche globalement de se remettre en question et se demander « pourquoi je réagis comme ça face à cette personne ? Qu’est ce qui me dérange exactement » et d’oser le regarder en face. Parce qu’on est tous et toutes des produits de notre société qui est une société qui est hélas sexiste, raciste, homophobe validiste, etc. Mais ça ne fait pas nécessairement de nous de mauvaises personnes. La question c’est plutôt qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’on fait de tout ça et comment on fait pour évoluer, pour devenir des meilleures ensuite ?
Florence : C’est un vrai sujet de se dire que finalement quand on a peur ou qu’on réagit mal à quelque chose, c’est peut-être en effet chez nous qu’il faut aller chercher le problème. Qu’est-ce qu’on a vécu qui voilà qu’est-ce qu’on a appris qui nous met dans cet état là ou qui nous embête quand on entend ça ? On n’a pas du tout été éduqué comme ça.
Laura : La question de la remise en question, notamment dans la culture française, ce n’est pas très marqué. Donc il y a un véritable travail à faire là-dessus et qui n’est pas nécessairement évident, notamment au début, quand on n’a pas l’habitude. C’est un muscle, c’est comme tout. Au début, ce n’est pas évident mais plus on travaille, plus ça devient facile ou du moins plus naturel et plus automatique de se dire “oui, mais en fait, là, je réagis comme ça, peut-être quelque chose qu’il y a à creuser de mon côté”. Pour finir, j’ai une dernière question : quelle phrase ou expression tu ne veux plus entendre ?
Intégrer la parentalité à l’entreprise
Florence : Une facile mais le “tu as pris ton après-midi” quand tu t’en vas à 17 heures. C’est une phrase que j’ai trop entendue. Avant, plus maintenant je précise. Les phrases que je ne voudrais plus entendre, c’est : “je te demande de faire ça parce que tu vas me rapporter plus d’argent”. On en a parlé tout à l’heure. J’espère que de moins en moins de personnes vont se comporter comme ça avec d’autres êtres humains parce que je trouve ça assez humiliant. Tout ce qui est en lien avec le dénigrement de la parentalité. J’ai une collègue à qui on a dit un jour “Ecoute de toute façon, tant qu’on ne pourra pas te mobiliser en un claquement de doigts à vingt et une heures, vingt-deux heures, tu ne pourras jamais grimper dans l’entreprise.” Ça fait partie des choses que j’aimerais qu’on ne dise plus à une femme. J’aimerais ne plus entendre qu’on me demande de prendre une nounou à domicile pour avoir le temps complet à travailler pour l’entreprise et ne plus avoir de temps à consacrer à mes enfants. Parce que de toute façon, c’est un peu accessoire de s’occuper de ses enfants.
Laura : Pour certaines entreprises, on a l’impression que c’est le message effectivement.
Florence : C’est ça ! J’aimerais qu’on n’arrête pas un entretien d’embauche quand on demande si un quatre cinquièmes c’est envisageable parce que ce serait plus compatible avec sa vie perso. Il y a plein de choses en fait que j’aimerais plus entendre. Je n’ai pas non plus aimé savoir que ça ne servait à rien que j’aille postuler dans certaines boîtes parce que j’étais un âge où je pouvais avoir des enfants et qu’on ne voulait pas entendre parler de moi parce que j’étais à risque. En entretien d’embauche, qu’on demande en effet si on peut avoir des enfants.
Laura : On rappelle que cette phrase est illégale.
Florence : Tu annonces que tu es enceinte, on te dit que c’est un problème. Je ne veux plus entendre qu’on trouve normal qu’une femme qui a eu des enfants ait un salaire moins élevé qu’un homme parce que quand même un congé mat’ de trois mois, ça fait quand même une sacrée différence sur l’expérience. Comment est-ce qu’on peut dire des choses pareilles ?
Laura : C’est beaucoup autour de la parentalité. Effectivement, il y a une grosse question à se poser là-dessus. Comme tu disais, on n’arrête pas d’être parent quand on travaille.
Florence : C’est tellement important en plus, c’est comme ça qu’on construit le monde. L’éducation des enfants, on ne devrait pas la déléguer à n’importe qui. Pourtant, c’est ce qu’on passe notre temps à faire, c’est ce qu’on nous demande de faire. Comme on peut changer le monde si on ne s’occupe pas l’éducation de nos enfants ?
Laura : Complètement, complètement, c’est une bonne façon de clôturer l’épisode tout doucement parce que c’était ma dernière question. Comment tu te sens à la fin de cet épisode ?
Florence : Écoute plutôt bien.
Laura : Oui, tu es contente de ce moment ?
Florence : Oui, oui. Ce n’est pas un exercice si facile que ça. Le début était peut-être un peu plus difficile pour moi, le fait de se dire mais qu’est-ce que je vais raconter, savoir qu’on va être écoutés. Il faut oublier ça pour pouvoir après juste discuter tranquille.
Laura : Ok donc ça a été globalement une bonne expérience, ça me fait plaisir. Merci beaucoup Florence. J’espère que tes paroles vont inspirer plein de gens et offrir plein de nouveaux points de réflexion sur la culture d’entreprise, la diversité et l’inclusion. Ça m’a donné plein de choses à réfléchir et notamment sur tout ce qui est parentalité. Donc vraiment merci beaucoup. Et puis on se retrouve tous et toutes bientôt pour un nouvel épisode. Au revoir.
Florence : Au revoir.
Conclusion de l’épisode
Avec Florence, nous avons beaucoup discuté des initiatives personnelles qui peuvent être prises pour changer notre rapport au travail et améliorer l’inclusion. Toutefois, ces problèmes sont structurels et systémiques. La réflexion doit donc être collective et aller plus loin que les petits gestes du quotidien, qui sont nécessaires mais loin d’être suffisants, que ce soit en termes d’écologie ou d’inclusion.
Dites-nous ce que vous en avez pensé en commentaire ou par mail à contact@projet-adelphite.com ! On se retrouve la semaine prochaine pour notre prochain invité qui travaille dans le monde du jeu vidéo.
Outro
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A très bientôt pour un nouvel épisode d’Inclusivement vôtre !
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