#39 – Devenir allié
Inclusivement Vôtre – co-fondateur de YZR – Sébastien Garcin
Pour écouter l’épisode 39
Parce que l’inclusion passe par l’accessibilité de tous nos contenus, notre podcast est retranscrit à l’écrit. Vous pouvez retrouver la transcription écrite de l’épisode ci-après.
Dans cette retranscription, vous allez lire des passages rédigés en écriture inclusive et d’autres non. Chez Projet Adelphité, nous utilisons quotidiennement l’écriture inclusive, c’est pourquoi les interventions de Laura sont rédigées de cette manière. Cependant nous souhaitons retranscrire avec fidélité la parole de l’invité’e. Nous avons donc fait le choix de ne pas appliquer l’écriture inclusive lors de ses interventions.
Bonne lecture.
Transcript Episode #39
Introduction
Bienvenue dans ce nouvel épisode d’Inclusivement Vôtre !
Inclusivement Vôtre, c’est le podcast qui envisage la culture d’entreprise comme un pilier stratégique du développement des organisations, avec un prisme diversité et inclusion.
Je m’appelle Laura Driancourt et je suis l’hôte de ce podcast créé et produit par Projet Adelphité, l’agence de conseil et stratégie en diversité et inclusion qui propose une approche multidimensionnelle pour mettre ce sujet au coeur de la performance des organisations.
Bonne écoute !
Présentation de l’épisode
Pendant trois épisodes, nous échangeons avec Sébastien Garcin, co-fondateur de YZR. YZR améliore la catégorisation et la présentation des produits dans l’e-commerce. En d’autres termes, YZR est spécialisée en analyse de données. Dans le premier épisode, Sébastien a partagé avec nous ses bonnes pratiques pour briser le cercle vicieux de l’entre-soi. Dans la deuxième partie, Sébastien a présenté sa vision du future of work et plus précisément du futur du management.
Dans cette troisième et dernière partie, Sébastien nous indique comment il connecte avec d’autres hommes pour les aider à trouver une posture d’allié.
Contenu de l’épisode
Laura: On va parler plus généralement, donc on va sortir du seul contexte YZR, on va s’appuyer sur ton expérience professionnelle en général en parlant des challenges que rencontrent les entreprises. Pour toi, quel est le plus gros challenge dans le développement d’une culture d’entreprise qui soit saine et inclusive?
Sébastien: Une entreprise par essence, c’est une mécanique dans laquelle il y a de la domination, parce qu’ il y a une structure dirigeante qui paye les autres, donc il y a de l’argent, donc il y a du pouvoir. Et s’il y a des pouvoirs , il y a des mécaniques de domination, et on ne peut pas y échapper, il faut faire avec ça. Cette domination, elle a une forme de violence intrinsèque, surtout dans un monde capitaliste qui est intrinsèquement violent.
La difficulté, c’est d’arriver à faire cohabiter un désir de quelque chose d’ inclusif, de bienveillant et d’intégrer de la gentillesse à de la générosité dans un système qui contient toutes les bases de l’exercice d’un pouvoir avec la possibilité d’une violence. Donc c’est la quadrature du cercle en fait. Ça veut dire que , forcément, tout exercice du pouvoir est imparfait. D’où l’importance des valeurs en fait. D’où l’importance de se reposer à chaque fois La question “ce que je fais là, c’est pour la pérennité de la boîte, etc. Mais est-ce que c’est ok avec les valeurs?” c’est un compromis permanent.
Parce que c’est cool d’être généreux avec des gens, de les recruter, de leur proposer des augmentations, de leur proposer des formations, de leur proposer de changer de job, de muter, de faire des trucs. Mais de temps en temps par exemple, il y a des gens qu’on ne peut pas garder dans une boîte pour plein de raisons, soit parce que à un moment donné, leur compétence elle n’est plus au rendez-vous ou parce que on n’a plus besoin de cette compétence ou parce que pour plein plein de raisons. C’est des moments difficiles où là il va falloir prendre la casquette un peu violente du pouvoir qu’on exerce et dire ” désolé, on va plus pouvoir travailler avec toi”, c’est c’est des moments compliqués et puis d’autres moments où il faut recadrer les gens.
Où là tu le disais ben il faut changer un peu de casquette. Donc Le challenge je trouve, c’est d’arriver à faire cohabiter une vision politique et sociale d’une entreprise dans un système qui par essence est un système de domination avec un pouvoir qui peut conduire à de la violence qui est celui de l’argent.
Laura: ça me fait penser au travail de Bell Hooks sur ces sujets où elle disait la solution, ce n’est pas nécessairement d’avoir plus de femmes au pouvoir puisque si elles sont corrompues par le pouvoir comme les hommes, en fait on va retrouver exactement les mêmes problématiques.
Le fait d’être une femme, c’est pas un blanc saint. Quant au fait qu’on ne puisse pas être corrompu par le pouvoir, c’est même au contraire de l’essentialisation des femmes de penser qu’on ne puisse pas être corrompu par ce pouvoir. Ah mais elle disait mais pour ne pas être corrompue par ce pouvoir ça va être vraiment de se rattacher à ces valeurs de pourquoi en fait on fait ça?
Pourquoi on est allé chercher ce pouvoir pour aider les autres? Justement lorsqu’on est dans une démarche on va dire philanthropique ou à minima social, on va se rattacher à ça. C’est est-ce que ce que je fais c’est toujours aligné avec mon objectif initial pour pas que la fin justifie toujours les moyens.
Pour toi, quel est le plus gros challenge qui attend les entreprises quand il s’agit de diversité et d’inclusion?
Sébastien: C’est un challenge qui est global. On vit dans un univers qui paraît sensé sexiste et raciste, on va faire la liste : âgiste, homophobe, validiste etc. voilà intersectionnelle problématique et les entreprises c’est juste un petit morceau de cet univers là. Et même si on essaie de créer une bulle. Elle ne sera jamais étanche puisqu’on va importer dans cette bulle des mécaniques. Les mécaniques de domination sociale dans ma boîte, elles sont là!
Il y a deux mecs blancs qui ont le pouvoir, c’est quatre personnes alors pas toutes blanches mais éduquées, bourgeoises qui ont le pouvoir autour. Et voilà. On a beau en être conscient, savoir que ça existe en même temps, on est dans une mécanique où , pour diriger une boîte comme ça, on a besoin de gens qui ont fait des études supérieures, qui ont des diplômes parce que l’on a besoin de ces compétences là.
On est condamné finalement à reproduire ces mécaniques là et à nouveau, le challenge va être d’arriver à faire vivre : Quel est le niveau de codes que je dois respecter, puisque je dois respecter certains codes pour que la boîte lève de l’argent, ait un compte en banque, se fasse pas redresser judiciairement, facture ses clients, se fasse payer etc.
Donc il faut respecter ces codes là sans que ça soit une machine à écraser les gens. Là c’est le moment où quand on est fondateur d’une entreprise ou quatre dirigeants, on doit bien faire son introspection entre à quel point je suis prêt à sacrifier mes valeurs humaines au respect du code et à quel moment je suis plus ok et si je suis plus ok ,si je suis dans une boite soit j’ai les moyens de changer les choses, soit je me casse. Et c’est pas toujours facile de se casser . On peut avoir des crédits, on peut avoir des trucs, des contraintes et tout, et je juge pas les gens qui se cassent pas. Pas du tout. Moi, si je suis arrivé à me casser de certaines boites où j’étais dans cette mécanique là, c’est parce que j’avais fait le choix économique de pas me mettre au taquet par rapport au revenu que j’avais.
Mais ça, je pouvais le faire parce que j’avais un revenu important. J’ai pu avoir cette liberté à certains moments de dire je suis plus d’accord, je me casse, mais c’est un choix de riche à nouveau.
Laura: Ce que j’allais dire au final, cette liberté, c’est grâce au privilège.
Sébastien: Exactement. C’est un choix de riche, c’est sûr.
Mais si déjà tous les gens qui ont ces privilèges arrivaient à prendre ce choix, déjà ça, ça serait mieux.
Laura: Parce qu’au final, les entreprises, on va dire problématiques. elle n’arriverait plus à recruter ou en tout cas plus difficilement. Et elle perdrait des talents parce qu’ils diraient ben en fait non stop.
Et là, la génération qui arrive, elle est de plus en plus exigeante sur ces questions de diversité et d’inclusion. Ça va finir par se faire parce qu’en fait, là, on a un mouvement de masse qui arrive les plus jeunes. Mais c’est vrai que si en plus, on rajoutait les personnes qui ont du privilège de prendre la parole en fait et de dire stop, ça ce n’est pas ok et en fait si on continue comme ça, moi je m’en vais, ça peut être aussi un levier de pression pour pour dire “ce comportement, ce type de management n’est pas ok”. Je prends l’exemple d’un ami qui qui travaille dans un très grand groupe et il parle avec une de ses nouvelles collègues et elle lui explique qu’il y a un collègue qui lui a fait des remarques à caractère sexuel et il lui a dit “si tu veux je t’accompagne aux RH et si tu ne le sens pas, moi je peux aller voir les R H et faire remonter l’information”. Elle a fini par aller voir les R H et les RH on dit “merci on sait qu’il craint mais on n’a pas de témoignage, il y a personne qui vient parler mais là ça y est on a un témoignage donc en fait on va pouvoir le faire sauter”. Quinze jours après il était parti enfin quinze jours, un mois après je pense qu’ils ont fait un une rupture, ils ont fait un licenciement mais ils ont dû négocier pour qu’il parte plus tôt et cetera prendre ses congés et en fait typiquement le positionnement de cet ami dont je parle de dire c’est pas ok et je peux t’accompagner aux RH. Et si tu ne te sens pas d’aller aux R H. Moi je vais y, je peux y aller pour toi, ça c’est une démarche aussi forte qui va permettre à la victime de se sentir entourée, accompagnée et qui va montrer aux gens qui ont des comportements qui ne sont pas respectueux que ces comportements là ne sont pas ok .
Sébastien: C’est la posture d’allié en fait. Moi ça fait dix ans que je réfléchis à ce sujet là et ça fait quelques années que j’ai découvert ce concept d’allié qui était un peu inventé aux Etats-Unis , qui donnait un statut à des blancs qui voulaient participer aux luttes antiracistes.
Ça m’a beaucoup intéressé parce que quand on s’intéresse en tant qu’homme blanc, au féminisme intersectionnel, bah on n’a pas sa place et c’est normal. Mais par ailleurs, on a un rôle à jouer quand même. Et déjà, on a un rôle à jouer à titre personnel, d’arrêter de merder si je veux résumer, et puis éventuellement, on peut décider d’avoir un rôle plus actif qui est d’aller parler aux autres et puis de leur dire d’arrêter de merder.
C’est ce rôle là en fait que , je cherche à développer. Alors beaucoup aujourd’hui centré sur la l’égalité homme femme parce que je me suis pas senti en capacité d’attaquer tous les sujets en même temps. Et mon rôle aujourd’hui c’est d’aller parler à d’autres gars comme moi hyper privilégiés pour leur dire “il y a une partie de tes privilèges que tu peux utiliser pour aller casser une partie du système et les privilèges que tu peux utiliser c’est que t’es un mec blanc et qu’on t’écoute donc parle, mais évite de dire des conneries, parle bien”.
Et après derrière toutes les logiques de soutien de un de prise de conscience toute la déconstruction personnelle qui s’appuie sur beaucoup d’introspection, la culturation, il faut lire des trucs, il faut écouter des gens. Il faut écouter les gens concernés et puis après il faut trouver à quel moment c’est quoi le soutien? Comment je soutiens? Le soutien c’est pas un élément facile et j’ai eu pas mal de difficultés à le décrire et puis j’ai pris la la métaphore foot ballistique c’est quoi soutenir une équipe de foot?
c’est pas aller sur le terrain et jouer un supporter d’une équipe de foot, on s’introduit pas sur le terrain pour prendre la balle et expliquer aux gardiens de but comment les arrêter. Je suis nul en foot mais quand même je connais deux trois trucs. Quelqu’un qui soutient c’est quoi?
C’est quelqu’un qui porte le t-shirt, qui file de l’argent, qui, à chaque fois qu’on attaque son équipe dit “non, je ne suis pas d’accord parce que” ça c’est un soutien. Et en fait, c’est ça la posture d’allié. c’est de soutenir. Alors on peut décider de soutenir les femmes. On peut décider de soutenir n’importe quelle population discriminée ou toute ou une c’est chacun ses combats.
Mais voilà, il y a une utilisation responsable des privilèges qui nous ont été confiés à l naissance. C’est celle-ci.
Laura: J’aime beaucoup la métaphore footballistique et je pense que je vais la réutiliser. Je crois que c’est la définition enfin en tout cas l’exemple, l’image la plus claire de ce que c’est être allié, que j’ai entendu depuis longtemps. Parce que parfois, effectivement, c’est pas toujours évident de comprendre. C’est quoi la posture d’allié exactement. C’est quelque chose qui revient beaucoup, notamment je pense qu’on n’a que des privilèges.
Parce que tu vois, moi, en tant que femme, je suis LGBTQIA+ plus mais ça ne se voit pas. j’ai un passing hétéro etc. mais du coup le fait d’être femme, d’avoir des discriminations, fait que c’est un peu plus facile pour moi de pouvoir comprendre la violence de l’oppression, par exemple par rapport au racisme et du coup ça me permet plus facilement de me mettre en empathie parce que j’ai une compréhension de l’oppression, alors pas la même, mais des mécaniques parce qu’au final, les oppressions, les mécaniques sont quand même très similaires. Elles sont toutes interconnectées. Donc sans surprise en fait, il y a des expressions de ces oppressions qui vont être les mêmes.
Pas toujours, mais dans pas mal de cas. Par contre, quand on est en position où on n’a que des privilèges, c’est plus compliqué du coup de faire ce travail d’empathie et de se mettre à la place de l’autre, parce qu’au final, C’est vraiment difficile de comprendre, voire impossible. On peut apprendre les choses, comprendre les mécaniques, mais on ne peut pas savoir ce que ça fait dans la chair.
Sébastien: Déjà, en tant que garçon, on est socialisé à couper son moteur empathique. La socialisation des garçons, c’est une socialisation qui est vraiment construite sur “apprends à ne pas soutenir le faible, apprends à te désolidariser du faible et apprends à taper avec les autres sur le faible” donc comment est-ce que un être humain peut participer à cette curée autour du faible?
C’est en déshumanisant le faible et donc en coupant son empathie. Vis-à-vis du faible, ça a été la mécanique de l’invention du racisme avec l’esclavage, on a inventé le racisme pour permettre pour justifier, pour faciliter le travail des gens sur le terrain qui devaient torturer, martyriser des centaines de milliers de noirs et on a fait pareil avec les nazis dans les camps de concentration.
Donc c’est une mécanique assez efficace où on coupe l’empathie vis-à-vis d’une certaine partie de la population. Et donc nous en tant qu’homme ben on a on nous débranche l’empathie. Mais il y a il y a un endroit intéressant qui est la cour de récré. C’est pas un endroit très cool en plus moi j’ai été scolarisé dans une école de garçons, quand on n’est pas du bon côté, c’est-à-dire quand on n’a pas d’aptitude à la violence, de capacité à être brutale, un manque de goût pour le fait d’opprimer des camarades plus faibles, on se retrouve du côté des faibles en fait et sans être nécessairement la cible de harcèlement, on vit dans ce climat de violence où à tout moment on peut se faire brutalisé, humilié et on n’aura aucun recours puisque l’institution te protège pas, l’environnement te protège pas et du coup tu passes du côté des faibles. T’es bon écrabouillé. Et là, là cette expérience , de l’humiliation, tu la connais. Et je me rends compte, j’ai de nombreuses prises de parole sur le sujet de la masculinité, puis de la responsabilité des mecs comme moi dans la situation dans laquelle on est aujourd’hui, puis du rôle qu’on pourrait jouer pour que ça change.
Et je reçois pas mal en D M des mecs qui disent “Ouais, je suis trop d’accord avec ce que tu dis et c”. et quand je creuse un peu avec ces gens là, ils ont un peu tous la même expérience de la cour de récré. Et donc ils ont pas oublié cette expérience de l’humiliation et de l’oppression et c’est celle là que je vais aller chercher en fait pour leur dire ” tu vois, il y a d’autres gens qui vivent ça au quotidien. Toi, ça a été quelques années de ta vie, c’est pas cool, mais maintenant c’est terminé parce que en revanche, t’as peut-être tous les éléments qui t’ont permis de prendre le pouvoir. Mais en revanche, je pense que t’as pas oublié les moments que t’as passé à ce moment là” et c’est là, on peut rallumer l’empathie.
En fait tu as ce truc que t’as vécu là quand t’avais sept, huit ans où un petit t’as arraché ton cartable et t’as craché dessus, t’as foutu par terre et t’as piqué tes pompes? Bah il y a des gens qui vivent tous les jours.
Laura: Ce que tu décris de “l’institution ne protège pas”, au final, c’est la même mécanique lorsque ce sont des hommes qui sont battus dans les violences conjugales en fait où ils ne sont pas aidés. J’ai un ami qui a été victime de violence conjugale par sa sa conjointe et il m’a dit Mais en fait je ne pouvais pas aller à la police, personne ne m’aurait cru et je ne pouvais pas lui rendre les coups parce que c’est moi qui aurait été le méchant dans ce cas là.
Donc il ne pouvait pas se défendre en tant que tel. Et Dieu solo, il est parti etc. Maintenant ça va mieux et il m’a dit quelque chose qui me bouleverse encore en en parlant, il me fait “je pense que ça m’a fait devenir quand même une meilleure personne.” parce que je pense que ça a en partie, peut-être qu’il était encore là, son moteur empathique, je ne le connaissais pas à ce moment-là, mais en tout cas, ça a dû réactiver, renforcer son empathie. Alors c’est terrible de passer par ça. Ça m’a rendu très triste, mais ça me fait penser à ça en fait,que si on arrive à dépasser le moment de violence, qu’on arrive à se reconstruire, mais qu’on n’oublie pas l’humiliation, qu’on sait ce que ça fait, ça peut permettre de créer des ponts.
Sébastien: Ouais, tout à fait. En tout cas, ça fait partie des moteurs qui peuvent déclencher des bonnes prises de conscience.
Laura: On va arriver sur les questions de conclusion et on va parler des idées reçues. Est-ce que tu pourrais me citer une idée reçue sur la culture d’entreprise et son lien avec la stratégie ?
Sébastien: Une idée reçue qui se vérifie assez souvent, c’est que c’est bullshit. C’est souvent un truc plaqué et que justement ça n’a strictement aucun lien avec la stratégie. C’est là où on voit que c’est plaqué. Parce qu’en fait, tant qu’on n’y a pas goûté, on ne sait pas ce que c’est et que ça s’établit. En fait elle apparaît pas comme ça, elle ne va pas venir de l’extérieur. En revanche, pour qu’elle se concrétise en mots, en promesse et en action, c’est un projet à part entière. Il est rare qu’il y ait des compétences pour faire émerger ce projet en interne. Donc même si c’est quelque chose qui doit émerger de l’interne, je suis convaincu qu’il faut des tierces personnes pour venir cristalliser, c’est souvent une réalité. Moi c’était mon cas. Il y avait une réalité et j’ai eu besoin de la cristalliser autour de mots, de projets et d’actions. Mais ça, j’aurais jamais pu le faire tout seul en fait. Il fallait vraiment que il y ait une aide extérieure à un moment, que ce soit un projet, que soit un sujet.
Laura: Et toujours dans la continuité des idées reçues, une idée reçue sur la diversité et l’inclusion.
Sébastien: Quand on ne connaît pas le sujet, on peut penser que ça a un côté gentil. Alors, même si moi je suis un fervent défenseur de la gentillesse, la gentillesse a mauvaise presse. Surtout dans l’univers des entreprises où si on est trop gentil à un certain moment c’est pas bon en fait de temps en temps il faut savoir montrer les dents.
Il faut pas être toujours gentil. Il n’en reste pas moins que , il y a une idée reçue sur le fait que c’est un peu bisounours que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, en fait non c’est pas ça. Déjà il y a des personnes issues de classes opprimées qui peuvent être non compétentes, managers toxiques au même titre que n’importe qui.
Ce sont des êtres humains, on est tous foncièrement imparfaits. Il y a un autre aspect que l’on voit souvent où on dit qu’une équipe plus inclusive, plus diverse est plus efficace, plus machin etc. C’est peut-être vrai ,personnellement j’en suis pas du tout convaincu, les chiffres qui sortent là-dessus je trouve que l’on est plus dans la corrélation que dans la causalité.
Moi c’est pas mon moteur. en fait mon moteur il est politique. C’est-à-dire qu’ une entreprise et en particulier une startup, c’est un ascenseur social. C’est comme ça que je le vois, quelqu’un qui rentre dans une start-up, il va avoir l’opportunité de grandir socialement parce que ça va très vite.
On peut apprendre plein de trucs, on se voit confier des responsabilités à un âge où normalement on ne les a pas. Le truc grossit normalement, donc les gens grossissent avec et que en plus cette startup, elle bénéficie d’argent public, d’argent privé etc. Et à partir du moment où on le voit comme ça, moi le projet politique c’est de faire en sorte que cet ascenseur ne soit pas réservé toujours aux mêmes qui par ailleurs en ont d’autres, mais d’ouvrir les portes de cet ascenseur à des gens qui n’ont pas nécessairement la possibilité de rentrer dans d’autres ascenseurs. Et donc pour moi c’était vraiment c’est vraiment un projet politique en fait.
Laura: je pense que c’est effectivement important de décorréler la diversité et l’inclusion et son importance des performances en fait financières. Je suis en relation assez régulièrement avec d’autres professionnels, de la diversité, de l’inclusion d’autres consultants et consultantes et la question qui revient quasiment tout le temps, c’est oui mais si un jour il y a des études qui nous disent le contraire, on fait quoi?
Donc en fait là on est plusieurs à se dire en fait il va falloir qu’on fasse un travail auprès de nos clients. Alors il y en a beaucoup qui vont être réfractaire à parler de politique. Je suis d’accord avec toi, c’est un projet politique mais du coup de dire en fait ce qui va compter c’est l’impact social qu’on réalise et le financier, c’est un bonus, voilà.
Mais vraiment, ce qui va compter c’est l’impact social et je pense que on est de plus en plus nombreux et nombreuses à prendre conscience que il faut qu’on shift le discours là-dessus et de dire en fait oui, c’est un impact social et c’est le plus important. Le financier derrière c’est bien et je suis d’accord avec toi, c’est une corrélation, pas une causalité. Il y a beaucoup trop de facteurs qui existent pour pouvoir dire clairement c’est la diversité et l’inclusion qui permettent à une entreprise de faire de meilleures performances. Je pense que quand on a des vécus différents, des visions différentes, des parcours différents, cela enrichit profondément les équipes.
Après ça crée des frottements. Donc il faut bien savoir les manager pour justement bénéficier de toute cette richesse. Mais c’est essentiel qu’on shift, qu’on bascule le discours sur ce qui compte, c’est aussi l’impact social, c’est avant tout l’impact social.
Sébastien: Ouais, l’impact, la justice sociale et un entrepreneur, même s’il a une équipe de trois personnes, c’est un mini monde en fait. On peut déjà faire ce mini monde tel qu’on voudrait que le monde soit. Ça c’est un pouvoir formidable en même temps, donc autant l’exercer.
Laura: Totalement. Je pense que c’est oui, C’est un peu un laboratoire en fait. Quelle phrase ou expression Tu ne veux plus entendre?
Sébastien: “c’est bien de développer la diversité dans une entreprise parce qu’ on sait que les équipes diverses sont plus rentables et plus profitables.”
je trouve que cette phrase n’aide pas. Je trouve que c’est pas le sujet, mais effectivement je ne vois pas pourquoi une équipe de blancs ne ferait pas aussi bien qu’une équipe de blancs, d’Arabes et de noirs mélangés. Enfin je ne vois aucune raison. Ce serait vachement essentiel en fait de penser que ça ferait une différence. Et pour moi l’enjeu c’est la justice sociale.
Moi je pense que en fait comme on n’a pas des parcours et des visions nécessairement différentes. Je pense que ça crée une différence. Tu vois par exemple notamment pour créer des produits et des services qui permettent de servir tout le monde. Je prends toujours l’exemple parce que nous, on fait de la revue et de l’accompagnement de projet pour s’assurer que les produits et les services développés soient véritablement inclusifs.
Et typiquement l’exemple que je donne à chaque fois, c’est celui des robinets automatiques. tu sais, tu passes la main dessous et l’eau coule et il se trouve que beaucoup de ces robinets, en fait, ils ne fonctionnent pas correctement avec les peaux foncées. Pourquoi? Parce que c’était des blancs. Et en fait selon la longueur d’onde que tu utilises, ça ne va pas fonctionner correctement avec les peaux foncées. Et ça, on à ce problème parce que ce sont des personnes blanches en fait qui ont développé ces technologies et à aucun moment ils se sont demandés est-ce que ça va fonctionner sur toutes les carnations.
Mais ça revient à ce que tu dis . C’est une question de justice sociale aussi derrière, mais c’est aussi une question de finance parce que si on se rend compte à un moment que c’est important en fait que le robinet il fonctionne pour tout le monde, surtout en période de pandémie comme on a eu il y a quelque temps, en fait l’entreprise qui a pas développé une bonne technologie, elle va perdre de l’argent in fine, parce que soit ses clients ne voudront plus travailler qu’elle soit, elle va devoir retravailler sa technologie donc elle va repartir en R et D et ce ça va lui coûter de l’argent.
Donc moi je pense que les deux sont liés. Je pense juste que la priorité, ça doit être la justice sociale derrière en fait et l’impact on le retrouve dans dans plein de choses. Moi j’emploie souvent l’expression “think outside the box” ou sortir des sentiers battus en bon français que une équipe avec des personnes qui ont les mêmes parcours de vie, les mêmes visions, les mêmes philosophies.
Tu remarqueras que je parle de pensées différentes en fait au-delà de la question du profil, de l’apparence physique et cetera. Si on a des gens qui ont les mêmes philosophies, les mêmes façons de penser. on va toujours prendre le même champ, ce même sentier battu et du coup il est très battu et on ne va pas pouvoir faire preuve d’innovation, ou alors on va faire preuve d’à peu près le même type d’innovation que les entreprises concurrentes. Mais si on a des équipes diversifiées, que ce soit en question de philosophie, de pensée, de formation et cetera, mais aussi du coup de vécu, de parcours de vie. En fait, on va prendre d’autres sentiers parce que ces personnes là, elles ne sont pas sur le sentier, on va dire principal.
le premier sentier dont on parlait. Elles vont aller sur d’autres sentiers et du coup, ça va être leur sentier battu à elles. Donc déjà, on élargit le champ des possibles. Ce qui veut dire que lorsque l’ on va sortir de ces sentiers battus, on va aller explorer d’autres chemins qui sont très très peu parcourus et que les entreprises concurrentes qui ne sont pas diversifiées.
ne vont pas retrouver. Donc je pense vraiment qu’il y a une possibilité et ça ne me surprend pas que l’on ait une corrélation qui apparaît dans les chiffres. Et je pense que c’est là, je pense vraiment que, quand on a des équipes avec des façons de penser différentes, on va plus loin et on fait preuve de davantage d’innovation.
Mais ça ne doit pas être la raison principale pour laquelle on fait de la diversité et de l’inclusion. La raison principale, c’est comme tu le dis, c’est la justice sociale. Voilà. ça c’est mon positionnement.
Laura: Et pour finir une toute petite dernière question qui est très simple que je pose à tout le monde en fin d’enregistrement.
C’est : à la fin de cet épisode comment tu te sens?
Sébastien: Je me sens très bien et finalement assez fier que: un t’ai trouvé mon histoire intéressante, parce que l’ on se connait un peu. Et puis je sais qu’à quel point tu travailles dans ce domaine là. Donc si tu trouves que mon histoire est intéressante, ça veut dire que j’ai pas trop mal bossé je je me sens validé. C’est toujours agréable.
Laura: Super bien écoute, merci beaucoup Sébastien.
Conclusion de l’épisode
Plus j’avance dans ma carrière, plus je trouve absurde l’idée que l’évolution naturelle d’un métier est de devenir manager. Manager est un métier à part entière. Un métier auquel trop peu de gens sont formé’es. C’est une spécialité en tant que telle et être doué’e techniquement dans un métier ne veut pas dire qu’on saura bien manager des équipes. Le monde du travail aura fait un grand pas en avant quand on aura su créer deux streams de carrière : un technique et un en management.
Dans la troisième et dernière partie de notre échange avec Sébastien, il nous indique comment il connecte avec d’autres hommes pour les aider à trouver une posture d’allié.
Outro
La posture d’allié’e est un cheminement continu et sans fin. Tout le temps à ajuster, à nourrir de lectures, de nouvelles connaissances pour obtenir une compréhension plus fine du monde et des mécaniques de discrimination. Cette démarche est à l’image de l’évolution des oppressions ; permanente. Elle s’applique aussi bien aux individus qu’aux entreprises. En effet, les entreprises ne sont pas dans un espace temps coupé du reste du monde. Elles doivent également prendre leurs responsabilités pour ne pas reproduire les discriminations et offrir des espaces de travail sécurisants. Au final, c’est un travail continu pour répondre aux besoins des salarié’es.
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Adelphiquement.
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